L’apport de la data science dans le monde de la santé

Regards Croisés - L'apport de la data science
Regards Croisés - L'apport de la data science
Kap Code vous propose dans ce premier article de retrouver une présentation de trois spécialistes ainsi qu’un état des lieux de la data science en santé.

La data science connait une expansion fulgurante depuis les 10 dernières années. Parmi les très nombreux secteurs qu’elle transforme, l’industrie de la santé n’échappe pas à la règle.
Kap Code vous propose de découvrir au travers de plusieurs articles les regards croisés de trois spécialistes de la santé digitale qui vous permettront d’avoir une vision plus claire de la transformation actuelle de la santé due à l’essor de la data science :

  • Isabelle Hilali : Fondatrice & CEO de datacraft
  • Emmanuel Capitaine : Médecin passionné de l’innovation en santé
  • Pierre Foulquié : Responsable Data Science chez Kap Code

Dans ce premier article, vous retrouverez une présentation des spécialistes ainsi qu’un état des lieux de la data science en santé.

Kap Code : Est-ce que vous pouvez nous présenter votre parcours et votre poste actuel ?

Emmanuel Capitaine : « Je suis médecin, et je travaille dans le domaine pharmaceutique depuis plus de 17 ans après 3 ans d’exercice à la Pitié-Salpêtrière.

J’ai eu des métiers très différents : médical, marketing opérationnel, lancement de produit, gestion de crise, communication, du digital et pour finir de l’innovation.

Cela fait un peu plus de 6 ans que je travaille dans l’écosystème innovation et 10 ans que je travaille sur des solutions innovantes car je suis convaincu que le numérique en santé ouvre des voies d’innovation thérapeutiques qui sont colossales. À terme, je pense que le digital thérapeutique viendra supplanter la chimie et la Biotech, et que de vraies solutions préventives et curatives à l’aide de nouvelles technologies sont possibles. »

Emmanuel Capitaine - Médecin passionné de l’innovation en santé
Emmanuel Capitaine - Médecin passionné de l’innovation en santé

Isabelle Hilali : « Je suis CEO et fondatrice du datacraft.

datacraft est un Club pour les entreprises et leurs salariés qui travaillent sur la donnée. datacraft s’inspire du modèle du compagnonnage et permet aux data scientists & data ingénieurs de se former avec leurs pairs. Le club a également été pensé pour permettre la fertilisation croisée et l’accélération des projets des entreprises dans le domaine de l’IA et du traitement des données. La première base datacraft a ouvert en février dans Le Marais à Paris. Nous accueillons aussi des chercheurs et data scientists freelance de très haut niveau en résidence.

La mission de datacraft est de permettre une utilisation performante et responsable des données.

Avant de créer datacraft, j’étais DG du Centre de Recherches Interdisciplinaires, une organisation à but non lucratif dont la mission est d’expérimenter de nouvelles façons d’apprendre et de faire de la recherche dans la santé, l’éducation et le digital. Avant cela, j’ai occupé des postes de direction générale dans la santé, l’industrie digitale et les télécoms dans de grandes entreprises comme Orange Healthcare en France ou Sprint PCS aux États-Unis.

Je suis membre du conseil d’administration du Healthcare Data Institute, et je suis très engagée à titre personnel sur les sujets d’égalité des chances et de responsabilité sociétale. »

Isabelle Hilali - Fondatrice & CEO de datacraft
Isabelle Hilali - Fondatrice & CEO de datacraft

Pierre Foulquié : « J’ai commencé ma carrière dans le pôle innovation de Kappa Santé, qui s’est ensuite détaché pour devenir Kap Code. Je suis arrivé comme stagiaire et j’ai petit à petit évolué jusqu’à devenir responsable du pôle Data Science.

Aujourd’hui, je manage une équipe de 4 personnes et je gère tout ce qui a trait à la Data Science dans l’entreprise. C’est à dire de la réception des données jusqu’à la livraison aux clients. Il y a une importante part de R&D, avec des projets d’IA débutant de zéro et passant ensuite par toutes les étapes de développement.

Quand je suis arrivé, nous étions 3 personnes seulement dans l’équipe de Data Science. Mes connaissances en santé étaient limitées. J’ai beaucoup appris sur place et j’ai découvert de nombreuses techniques de Data Science.

Au niveau personnel j’ai appris énormément de choses, concernant la gestion de projets, de Machine Learning notamment. Au niveau de l’entreprise, il y a également eu une forte progression, tant en Data Science qu’au global. Aujourd’hui, nous sommes plus nombreux, beaucoup mieux organisés et la rigueur a augmenté dans les méthodes de travail. »

Pierre Foulquié - Responsable Data Science chez Kap Code
Pierre Foulquié - Responsable Data Science chez Kap Code

KC : Comment décririez-vous l’apport de la Data Science et comment se place-t-elle aujourd’hui dans le monde de la santé selon vous ?

EC : « La Data Science est une notion assez ancienne qui a commencé à prendre de l’importance il y a à peine 10 ans. Même si la discipline existe depuis au moins 30 ans.

L’enjeu principal est d’être capable de traduire des données non structurées en connaissance et cela dans un contexte :

  • D’explosion exponentielle des volumes et des sources de ces données.
  • De prise de conscience du potentiel de tous les secteurs d’activité.

La santé est un des principaux secteurs où le champ des possibles et les besoins sont les plus forts. La Data Science ouvre des perspectives considérables pour générer de nouvelles connaissances au service de la science et des patients sur toute la chaine de valeur du médicament et le parcours de vie des citoyens et des patients.

Biomimétisme, identification de nouveaux médicaments candidats, digitalisation de la recherche clinique, prévention, efficience des outils de dépistages et de diagnostic, télésanté, suivi des patients, médecine de précision, pilotage du bénéfice / risque des médicaments en vie réelle, drug repositionning, médicament digital… Nous n’en sommes qu’au début !

Je pense qu’à terme, la disruption de l’ère de la chimie par la thérapie numérique sera totale car plus efficace et surement mieux tolérée.

Je m’explique : aujourd’hui, le digital est plutôt utilisé « around the pill » et pas « beyond the pill ». Il vient en support de médicaments chimiques et biotechnologiques. Demain, il est possible qu’on puisse soigner sans avoir besoin d’utiliser la chimie et biotechnologie mais en utilisant uniquement des DM par exemple par le biais d’ondes.

En effet, il y depuis longtemps d’autres façon de soigner que la chimie. Par exemple, les pacemakers, les chocs électriques externes ou la sismothérapie sont couramment utilisés, mais avec peu d’investissement dans le temps ce qui explique le niveau de maturité inférieur à celui de la chimie. Avec les nouvelles technologies et les puissances de calculs qui sont démultipliées, la capacité grandissante de la Data Science prend son ampleur. Demain peut-être que ces thérapies vont pouvoir grandir, s’accélérer, comme on voit le numérique s’accélérer, et devenir des thérapies de références.

Un exemple : les travaux du Pr Alim-Louis Benabid et la création du centre de recherche « CLINATEC ».

Il y a aujourd’hui, que ce soit en France, aux US, ou au Japon des centres de recherche travaillant sur ces sujets, dans des champs d’applications divers tels que la maladie de Parkinson, la douleur, l’obésité, le diabète, les TOC… J’en oublie certainement. Ce sont de vraies tendances très dures et qui montent très fort.»

PF : « La data science est un sujet extrêmement large, et ce même si on se réduit à la santé. Il y a de l’analyse d’images (tumeurs, radiographies, IRM), de la médecine personnalisée, de l’aide au diagnostic, de l’analyse d’encéphalogrammes, du Natural Langage Processing (NLP), des chatbots… C’est très varié.

Il est certain que la data science va ouvrir de nombreuses perspectives. Pas uniquement des perspectives complétement nouvelles, mais également une automatisation des tâches répétitives (comme l’analyse des radios). Le principal avantage à court terme va être un gain de temps pour les médecins leur permettant de mettre leur temps et leur énergie sur des tâches à plus forte valeur ajoutée pour le patient. »

IH : « A mon sens, l’arrivée de la data science est avant tout une excellente occasion de repenser ce que nous faisons et quelles sont nos missions. Il est vrai que la santé était traditionnellement un secteur conservateur, avec des évolutions lentes, que ce soit sur la façon de développer les molécules ou d’accueillir les patients dans l’hôpital. Avec l’arrivée du digital et les ambitions d’acteurs issus de la tech sur le domaine de la santé, on a assisté à une remise en question globale du secteur de la santé.

Un des gros enjeux est de permettre aux acteurs de la santé de se réinventer car ils ont des compétences uniques à apporter à la société qu’il ne faudrait surtout pas perdre. La connaissance médicale bien sûr, mais aussi les grands principes de précaution, la capacité à faire une étude clinique, etc. Mais ils doivent impérativement intégrer les apports de la technologie pour accompagner de façon plus globale, intégrer les données de vie réelle, etc.

Si je prends l’exemple de la Blockchain, ce que je trouve intéressant c’est que cela amène à se poser des questions différemment : sur la gestion du consentement patient, la traçabilité, transparence, la propriété des données, etc. Je ne sais pas si la Blockchain est une technologie nécessaire et la plus appropriée, mais en tout cas le fait d’avoir imaginé cette technologie permet de se poser des questions importantes.

Si je prends un autre exemple : vous (Kap Code), vous utilisez les données des réseaux sociaux. Aujourd’hui, les laboratoires pharmaceutiques ont conscience de la nécessité d’intégrer des données de vie réelle. C’est une avancée incroyable que d’aller chercher des données des réseaux sociaux en complément des autres informations et du cadre strict d’une étude clinique.

Pour moi, l’arrivée de la data science en santé bouleverse vraiment les méthodes de soin et de prévention et elle en est seulement à ses débuts. C’est important que cela reste des outils au service d’un « mieux être », d’où l’importance que chacun s’y intéresse et tout particulièrement les acteurs historiques de la santé. »

Ce premier article présentant les regards croisés de spécialistes de l’innovation en santé met en lumière les nombreuses potentialités offertes par les nouvelles technologies. La data science en santé est un sujet très large, couvrant de nombreux domaines et dont les applications sont variées.

Finalement, au-delà de la technologie, l’application des méthodes de data science en santé pose surtout des questions de réorganisation, ainsi que de transformation, aussi bien des méthodes de soins que des métiers et des entreprises existants aujourd’hui. Irrémédiablement, l’impact se fait sur l’humain, qu’il soit patient comme professionnel, ce qui nous amènera dans un deuxième article à analyser ce que pensent nos spécialistes de la place de l’humain au sein des nouvelles technologies.

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